Nouvelles mobilités, nouveaux rythmes : Quels enjeux pour les services publics de la culture ?

Introduction par Dominique Lahary, Directeur de la Bibliothèque départementale du Val-d'Oise
de l'atelier où sont intervenus Alain Lefebvre, Professeur émérite de géographie à l'université de Toulouse-Le Mirail, Jean-Pascal Quilès, Directeur adjoint de l'Observatoire national des politiques culturelles et Jocelyne Bougeard, adjointe au maire de Rennes chargée des femmes, de l'égalité et du temps de la ville
le 5 décembre 2007 dans le cadre des entretiens territoriaux de Strasbourg organisés par le CFNPT
Synthèse des ateliers en février 2008 sur www.inet-ets.net.

Les élèves conservateurs de bibliothèque de l’Enssib ont choisi un bibliothécaire pour modérer cet atelier sur le temps.

Jeune directeur de bibliothèque à la fin des années 1970,ayant à ouvrir un nouvel équipement et donc à tout créer, une équipe, une collection, un règlement… et des horaires, je crois avoir reçu de mon milieu professionnel des mises en garde que je croyais avisées : attention à ne pas trop ouvrir. Il faut respecter un équilibre entre le « travail interne » et le « service public » - on dirait aujourd’hui « back office » et « front office ». Il fallait protéger le temps de la gestion de la collection pour n’ouvrir qu’à bon escient. Cela donnait ce qu’on trouve encore beaucoup aujourd’hui : une amplitude d’ouverture d’une vingtaine d’heures par semaine, des horaires différents chaque jour, impossibles à mémoriser par l’usager moyen, aucune ouverture le midi, et le couperet de 18 ou 19 heures selon les jours, 17 heures le samedi.

Moyennant quoi nous n’ouvrions pas pour rien, et le public se pressait dans les plages qui lui étaient octroyé.

Aujourd’hui nous en sommes au discours de repentance. C’est un fait connu les bibliothèques publiques françaises ne sont pas assez ouvertes. Les bibliothèques universitaires ont fait un effort considérable, ouvrant souvent plus de 50 heures. Pas encore assez les bibliothèques publiques, même si des efforts localisés sont perceptibles.

Dans une enquête sur la fréquentation des bibliothèques effectuée par le Credoc en 2005 à la demande du ministère de la culture(1), la question du temps apparaît centrale : le 1er frein déclaré à la fréquentation pour les usagers est l’inadaptation des horaires d’ouverture, le 1er frein déclaré à la fréquentation pour les non usagers est le manque de temps.

« Les horaires [de la bibliothèque], ça correspond aux horaires de travail, ce n’est pas très pratique. »

« Ce n’est pas adapté à la vie professionnelle. Il faut être à la retraite. »

« On devrait pouvoir y aller en emmenant les enfants à l’école ou après les avoir amenés, mais c’est fermé. »

« J’aimerais venir plus souvent mais, pour moi, c’est une contrainte de venir le samedi. »

« Les horaires sont trop compliqués. Tous les jours à la même heure, ce serait plus simple. »

« Pendant les vacances, je me fais toujours avoir, je ne sais jamais quand on peut venir. »

« Dans l’idéal, il faudrait que ce soit ouvert le dimanche matin. Les musées sont bien ouverts le dimanche. »

« Le dimanche, on pourrait emmener les enfants, quand on se promène et qu’on n’a pas grand chose à faire. »

« Il faudrait une boîte à l’extérieur pour déposer les livres. » (2)

Il y a 5 enjeux :

  1. l’amplitude totale d’ouverture par semaine ;
  2. les jours de fermeture : le dimanche, le lundi, souvent le jeudi ;
  3. l‘irrégularité des horaires selon les jours ;
  4. l’heure de fermeture le soir (mais les véritables nocturnes au-delà de 19 heures sont peu utilisées) ;
  5. l’ouverture le midi.

Cela touche :

Et n’oublions pas : la boite de retour ! C’est tout bête et tellement pratique

Mais l’enquête du Credoc aborde aussi deux autres questions :

Selon une enquête réalisée en Val d’Oise(3), 80 % des personnes sortant d’une bibliothèque on mis moins de quinze minutes pour s’y rendre. C’est le même chiffre en zone rurale ou urbaine, que la personne se soit déplacée à pied, en deux roues, en véhiculeur motorisé personnel, en transport en commun ? Des chiffres comparables ont été obtenus dans Partis intra muros. Et l’enquête du Credoc obtient des pourcentages de 75 à 95 % de gens mettant moins de 10 minutes pour se rendre à la bibliothèque qu’ils fréquentent le plus, selon la taille de la commune(4).

L’espace c’est du temps

Enfin, voilà qu’Internet fonctionne 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, 365 jours par an.
C'est un temps nouveau qui peine à s’apparier avec l’autre.
Les services à distances des bibliothèques– qui ne seront jamais qu’une partie de leurs services – abolissent la prison du temps.

Notes

(1). Les bibliothèques municipales en France après le tournant Internent : attractivité, fréquentation et avenir, Bibliothèque publique d’information, 2007 (coll. Etudes et recherches)

(2). Op. cit. pp. 143-144.

(3). Usages et usagers des bibliothèques en Pays de France et Plaine de France. Conseil général du Val d’Oise, 200?. Publié sous forme imprimée et en ligne : http://bibliotheques.valdoise.fr/media/media3759.pdf.

(4) Les bibliothèques municipales en France après le tournant Internet,. pp. 142.


Page publiée par Dominique Lahary