BIBLIOthèque(s)   no88-89, juin 2017
Revue de l'Association des bibliothécaires de France
 

Dossier Inégalités territoriales :
Présentation du dossier
par Dominique Lahary

En juin 2005; Livres-Hebdo publiait à l’occasion du congrès de l’ABF un dossier intitulé Les bibliothèques sont-elles à leur place ?(1). Et en tirait ce constat sévère : « les bibliothèques manquent là où justement se trouve le public à conquérir : les jeunes, les familles avec enfants, le public non diplômé et les catégories sociales défavorisées ».

Douze ans plus tard, en dirions-nous autant ? La situation est sans doute contrastée, et des nuances qu’on pouvait alors apporter demeurent valables aujourd’hui. Cela ne signifie pas qu’elle est partout satisfaisante, nous en sommes bien loin.

L’égalité est, avec la continuité et la mutabilité, un des trois principes cardinaux du service public à la française : chacun doit pouvoir également en bénéficier. Aborder cette question du point de vue des territoires, ceux où les gens qui habitent, travaillent, étudient, achètent, agissent, se cultivent et se distraient, renvoie immédiatement à la conscience d’une inégalité.

On songe bien sûr aux zones régulièrement présentées comme désavantagées, voire sacrifiées, qu’il s’agisse de quartiers urbains, de zones périurbaines ou d’espaces ruraux, avec toutes les variantes qui peuvent être identifiées.

La distance du point d’où l’on part (le domicile mais aussi le lieu d’étude, de travail ou de toute autre occupation) est évidemment un critère essentiel. Mais il y a aussi la distance symbolique, sociale, culturelle, et ce n’est pas pour rien qu’on évoque souvent les publics « éloignés » de la culture, de la lecture… de la bibliothèque !

Le dossier que vous allez découvrir est complémentaire du congrès organisé à Paris par l’ABF du 15 au 17 juin sur le thème Inégalités territoriales, égalité des chances. Croisant les regards sociologiques, géographiques et bibliothéconomiques, il donne également accès à quelques expériences de terrain. Puisse cet ensemble être utile et réutilisable.

Il ne suffira certainement pas faire tour de la question. Il souffre même une lacune de taille. La distance, quand elle est physique, ne se mesure pas en kilomètres mais en temps de trajet, quel que soit le moyen de déplacement utilisé. Mais le temps, ce sont aussi des horaires d’ouverture. Au-delà de la permanence des accès en ligne 24 heures sur 24 et 365 jours par an, le temps d’accessibilité des lieux est essentiel. La question fait régulièrement l’objet de rapports et de controverses mais aussi d’accords, d’expérimentations et d’avancées. Vous l’aurez compris : cette lacune est volontaire. Traiter de la moitié de la question de l’espace temps, c’est déjà quelque chose(2).

L’objectif, difficile à atteindre totalement mais vers lequel il faut tendre, est sans doute moins la conquête de publics (on peut éviter cette métaphore militaire) que l’égalité des populations devant les services de lecture publique. Seul un maillage adapté peut y pourvoir, combinant attractivité et proximité et pouvant s’étendre au-delà des seuls équipements considérés comme bibliothèques.

Proximité, voilà sans doute le mot clé à retenir de ce dossier. Puisse la bibliothèque être proche, à tous les sens du terme.


Notes

(1) « Les bibliothèques sont-elles à leur place ? : dossier ». Livres-Hebdon°604, 3 juin 2005. Avec un entretien avec Stéphane Wahnich. [Note non publiée dans Bibliothèque(s)].

(2) Sur l’autre moitié, voir notamment Ouvrir grand la médiathèque : Faire évoluer les horaires d’ouverture dirigé par Françoise Muller et Marine Rigeade, ABF en partenariat avec le ministère de la Culture et de la communication, 2014, coll. Médiathèmes.


Sommaire de ce numéro


   Publié en ligne par Dominique Lahary
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