On ne parle pas des bibliothèques dans le journal, comme on n'y parle pas des trains qui arrivent à l'heure.

On n'y parle pas des milliers de petits services qui sont rendus chaque jour à tant de gens. Ils sont invisibles. On y parle des événements qui de temps à autre se déroulent, et plaisent à quelques uns.

On n'y parle pas de tous ces documents qui sont empruntés par des gens ni pourquoi. On y parle des auteurs ou conférenciers qu'on invite.

On n'y parle pas de tous ces gens qui viennent et restent sur place, souvent sans même utiliser les documents qui sont là. On y parle des vernissages d'expositions et de ceux qui ce jour-là prononcent des discours et mangent des petits fours.

On n'y parle pas de la façon dont les gens s'emparent des bibliothèques, les dédaignent ou les envahissent, les détournent ou les consacrent, obligeant à pousser les cloisons, à déplacer rayonnages et documents, à ouvrir ou à protéger. On y parle des bibliothèques qu'on inaugure, et des intentions de ceux qui les ont conçues.

C'est pourquoi, si l'on veut faire parler des bibliothèques dans le journal, il faut organiser des événements, ouvrir de nouveaux lieux. Voilà le plan média. C'est vraiment très bien de faire tout ça, bien sûr. Mais c'est aussi ce qu'il faut faire pour qu'on parle des bibliothèques dans les médias, sans pourtant en parler.

Dans les médias, on ne parle pas des gens dans les bibliothèques. On n'y parle que des bibliothèques, croit-on.

Lu dans la presse professionnelle... territoriale : " Les personnels des bibliothèques mènent souvent une activité de moines, invisibles... Pourtant, leurs métiers sont en pleine mutations face à des équipements qui évoluent des supports qui évoluent, des territoires et des usagers qui évoluent. " in : La lettre du cadre territorial n°277, 15 juin 2004. Encadré " L'essentiel " clôturant le dossier sur le métier de bibliothécaire.